"Sacrée (...) la batterie !"
(The Howl - Allen Ginsberg)
Quelque chose touche très fort lorsque l'on est en présence de batteurs écoutant un autre batteur comme dans cette photographie de Chuck Stewart où Art Blakey et Elvin Jones assistent intimement à l'envol de Jo Jones ou dans celle de Manuel Cristaldi où les regards de Max Roach et Tony Williams se croisent et prolongent le temps. Appelons ceux qu'on aime ! Réveillons l'intuition !
La batterie a souvent été indiquée comme "incarnation même du jazz", on pourrait plutôt dire qu'elle est l'incarnation tout court et sans mystère. Si Stravinsky (et d'autres par touches quasi clandestines avant lui) a osé en occident, avec le Sacre du Printemps, le retour à la musique païenne (de chair et de terre), ce sont les batteurs (de jazz d'abord) qui ont relevé et relèvent toujours (et on espère longtemps) cet indispensable rite (le seul) conviant à la réunion des esprits et des corps, de l'être dansant fait un. Les grands batteurs ont fait voler en éclats de manière ostentatoire et espérée irréversible la pudibonderie coupable qui avait englouti l'expression des corps à la veille de la Renaissance. Les grands roulements, syncopes, paradiddles, breaks, chabadas, frisés de Paul Barbarin, Baby Dodds, Sidney Catlett, Zutty Singleton, JC Heard, Sony Greer, Sonny Payne, Jo Jones, Kenny Clarke, Art Blakey, Max Roach, Roy Haynes, Frank Butler, Elvin Jones, Shelly Manne, Fred Below, Philly Joe Jones, Billy Higgins, Ed Blackwell, Tony Williams, Bernard Purdie, Sunny Murray clament d'entrée le grand réveil des corps en accord : "non coupable" !
La batterie c'est la fascination pour le visage de l'amour au corps fécond ; toucher à la déferlante qui emporte au delà du sens. Le geste dessiné fait apparaître tous les pigments. L'achèvement et la préparation aussi font un là où un fait plusieurs. Les images se juxtaposent enfin. Ne pas aimer les batteurs, c'est ne pas pouvoir s'aimer soi-même. Lors de la dernière tournée de Next, orchestre de François Corneloup, le solo de batterie de JT Bates, très loin du passage obligé, chaque soir joue des sensations précédentes exprimées en groupe, pour franchir un nouvel espace par espèces inconnues et frappées de lumière ouvrant la marche des bêtes qui ne craignent plus les voies de disparition. Spectateurs et musiciens y gagnent en force et devenir. Les deux concerts récents d'Ursus Minor ont permis aussi de percevoir le jeu élevé de Stokley Williams, rendant un hommage sans équivoque à Max Roach en partant de son Drums also waltzes (à l'issue du concert, il dira :"Il est bon de saluer parfois ceux qui nous ont tant apporté"). Le mouvement du corps épouse celui qui tourne le dos à l'abandon pour galoper loin en libre conscience.
JT Bates et Stokley Williams, habitant de cités non avares en indications de rythmes (les Twin Cities), portent très fort, non seulement cet inestimable héritage des tambourinaires cités précédemment, mais aussi l'exaltation possible d'une vie jamais fixée qui dépasse la chute des rêves si fréquente en nos temps imbéciles. DANSONS !
La batterie a souvent été indiquée comme "incarnation même du jazz", on pourrait plutôt dire qu'elle est l'incarnation tout court et sans mystère. Si Stravinsky (et d'autres par touches quasi clandestines avant lui) a osé en occident, avec le Sacre du Printemps, le retour à la musique païenne (de chair et de terre), ce sont les batteurs (de jazz d'abord) qui ont relevé et relèvent toujours (et on espère longtemps) cet indispensable rite (le seul) conviant à la réunion des esprits et des corps, de l'être dansant fait un. Les grands batteurs ont fait voler en éclats de manière ostentatoire et espérée irréversible la pudibonderie coupable qui avait englouti l'expression des corps à la veille de la Renaissance. Les grands roulements, syncopes, paradiddles, breaks, chabadas, frisés de Paul Barbarin, Baby Dodds, Sidney Catlett, Zutty Singleton, JC Heard, Sony Greer, Sonny Payne, Jo Jones, Kenny Clarke, Art Blakey, Max Roach, Roy Haynes, Frank Butler, Elvin Jones, Shelly Manne, Fred Below, Philly Joe Jones, Billy Higgins, Ed Blackwell, Tony Williams, Bernard Purdie, Sunny Murray clament d'entrée le grand réveil des corps en accord : "non coupable" !
La batterie c'est la fascination pour le visage de l'amour au corps fécond ; toucher à la déferlante qui emporte au delà du sens. Le geste dessiné fait apparaître tous les pigments. L'achèvement et la préparation aussi font un là où un fait plusieurs. Les images se juxtaposent enfin. Ne pas aimer les batteurs, c'est ne pas pouvoir s'aimer soi-même. Lors de la dernière tournée de Next, orchestre de François Corneloup, le solo de batterie de JT Bates, très loin du passage obligé, chaque soir joue des sensations précédentes exprimées en groupe, pour franchir un nouvel espace par espèces inconnues et frappées de lumière ouvrant la marche des bêtes qui ne craignent plus les voies de disparition. Spectateurs et musiciens y gagnent en force et devenir. Les deux concerts récents d'Ursus Minor ont permis aussi de percevoir le jeu élevé de Stokley Williams, rendant un hommage sans équivoque à Max Roach en partant de son Drums also waltzes (à l'issue du concert, il dira :"Il est bon de saluer parfois ceux qui nous ont tant apporté"). Le mouvement du corps épouse celui qui tourne le dos à l'abandon pour galoper loin en libre conscience.
JT Bates et Stokley Williams, habitant de cités non avares en indications de rythmes (les Twin Cities), portent très fort, non seulement cet inestimable héritage des tambourinaires cités précédemment, mais aussi l'exaltation possible d'une vie jamais fixée qui dépasse la chute des rêves si fréquente en nos temps imbéciles. DANSONS !
extrait du solo de JT Bates - concert de Next (25/03/09), Tremblay en France
(Images : B. Zon)
extrait du solo de Stokley Williams - concert d'Ursus Minor (7/05/09), Paris
(Images : Z. Ulma)
5 commentaires:
Vous auriez pu aussi mentionner les visites que Max Roach rendaient à Papa Jo Jones dans sa chambre d'hospital, elles participent du même mouvement que ce que vous décrivez. Papa Jo Jones et Max Roach représentaient deux écoles qui s'opposaient et pourtant se complétaient. Les deux jeunes batteurs dont vous parlez semblent de grand talent.
Les deux participent à Rebels at Newport
Ce n'est pas mal non plus
http://www.youtube.com/watch?v=dNpDQztqWQw
Merci beaucoup de cette vidéo, le moment où Roach appelle Jo Jones (après ce magnifique solo en partie aussi dédié à Sid Catlett)est très émouvant.
J'ai eu la chance de voir Williams une fois et Bates deux fois à Strasbourg et c'est vrai que ça impressionne carrément et que ça rivalise avec les papis
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