De tous les instruments des musiques populaires, deux ont été créés sur le sol des Etats-Unis d'Amérique à la croisée de moultes confrontations, contradictions, blessures, frottements et nécessités : la batterie et le banjo (appelé parfois banjar). Tous deux ont partie liée avec le devenir survivant des esclaves africains importés dans les colonies des Amériques (il faudra plus que l'indépendance pour sortir de l'infâme état d'esclavage).
Le banjo, comme la batterie, est un instrument au fort niveau sonore - se faire entendre. Comme elle, il est aussi un dérivé d'instruments africains, très probablement de l'écontine, sorte de luth joué en Afrique de l'Ouest (très utilisé au Sénégal). Une forme de banjo est aperçue dès la fin du 17ème siècle (banjo-gourde) dans le sud des USA. L'instrument qui, à juste raison, cherche à résonner se dote de cinq cordes, le jazz fera tomber cette cinquième corde au début du XXème siècle (banjo ténor). Le bluegrass la fera réapparaître dans les années 40. Les musiques populaires d'Algérie et du Maroc l'adopteront. Les ménestrels américains et autres porteurs de messages sociaux, de luttes et de l'état réel du nouveau monde utiliseront cet instrument, à jouer avec la même vélocité que celle des hobos allant de train en train, possédant son amplification naturelle, tellement naturelle. L'instrument épouse la cause du Little Redbook de Joe Hill. Il est le lien initial de tous les damnés de la terre de cette partie du monde.
Pete Hennig, batteur de Fantastic Merlins, incarne la nécessaire transmission par les peaux. S'y joue la réalité des corps. Son vocabulaire des tambours et cymbales est celui de cette puissance franche et profondément humaine qui se lit sur son sourire. Et bien Pete Hennig, joue du banjo avec ce même temps qui n'est pas une tournure d'esprit, mais une mise en pratique des injonctions du vivant. Le temps, émanation des lieux favorisant le mise en rythme, pour ce batteur, est celui de la mise en perspective de l'urgence avec toute sa délicatesse. Pete Hennig fait partie des batteurs responsables ; ils requalifient les instants. Pas de surprise alors de le voir jouer du banjo et qu'il en joue si bien. C'est inscrit dans son sourire.
Ce vendredi, la surprise des Fantastic Friday Music Series au Black Dog vient de cette rare prestation du groupe bluegrass de Pete Hennig. Shane Akers (dobro), Harris Kendrick (guitare) et Eric Struve (contrebasse) forment avec lui, sans tambours mais banjo, ce quartet vif et proche. Chaque morceau se présente comme un tour de parole où les voix de chacun se relaient pour explorer subtilement ce que le jeu précédent a apporté de conseils utiles. Une affaire de camaraderie bien exprimée, l'image d'une démocratie simple et vivable. Le droit de sourire n'évite pas le droit de penser, il le conforte en dansant. Megan Shaw est invitée à s'assoir avec le quartet pour quelques titres qui sentent bon la terre chaude fumant après une averse.
Images : B. Zon
4 commentaires:
C'est Steve Waring qui m'avait donné le goût du banjo avec son disque Chnat du Monde sur le banjo. J'étais alors féru de free. C'est vrai que cet instrument fait passer quelque chose de spécial. Il faut écouter Dian James et pas seulement Bela Fleck.
Jack Treese with Lacy
Et puis, on peut aussi écouter les disques des Dillards, pas du tout free il est vrai, mais complètement bluegrass, animés d'une énergie bondissante, joyeuse et pour tout dire ultra-positive !
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