Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

4.5.07

E........ P.... A C...



Chère amie,

Merci pour l'article de Jean Bricmont auquel je n'adhère pas du tout, tu t'en douteras.

Tout d'abord Washington se soucie comme d'une guigne de la victoire de l'un ou de l'autre des deux candidats français à la présidentielle car dans les deux cas ils ont des garanties (ce ne sont pas des enfants et il existe des bureaux avec des représentants de l'UMP et du Parti Socialiste aux USA). Le seul homme politique français à abattre pour la Maison Blanche a été Chirac. Il faut vraiment être diablement naïf pour s'imaginer que Ségolène Royal romprait l'Atlantisme installé par Mitterrand dans les années 80. C'est bien un gouvernement socialiste qui a tout fait pour l'implantation de Disneyland et d'un grand nombre d'entreprises américaines en France, c'est bien un gouvernement socialiste qui a été aux côtés des USA dans la première guerre d'Irak (dont les motifs étaient similaires à la seconde quoi qu'on en dise), c'est bien un gouvernement socialiste qui a engagé la France aux côtés (où nous sommes toujours) des USA dans la guerre contre l'Afghanistan. Et si Sarkozy aurait certainement rejoint la "coalition" US/GB pour la deuxième guerre d'Irak, un gouvernement socialiste mené par un Dominique Strauss Kahn (plus atlantiste encore que le plupart des gens de l'UMP) aurait sans doute fait pareil.

N'oublions pas que le grand modèle de Ségolène Royal et d'une grande partie du Parti Socialiste actuel est Tony Blair, le plus proche allié des néo-conservateurs américains. En demandant aux classes populaires britanniques ce qu'elles en pensent, on sera vite éclairé. La fascination pour la politique américaine du Parti Socialiste qui à maintes reprises en a vanté les mérites en espérant arriver au bi-partisme (là-dessus ils ont gagné) a toujours été forte.

Faire du Parti Socialiste une sorte de continuum vide sans responsabilité me semble faire aussi le jeu des idées Sarkozystes.

J'ai regardé le meeting de Ségolène Royal à Charlety et j'y ai vu quelque chose d'incroyablement proche (dans le ton, le choix des mots, les gestes) des télé-évangélistes américains. Ca m'a assez effrayé. J'ai aussi regardé le débat avec Sarkozy et si j'avais eu encore un millipoil de regret dans mon choix d'abstention, il aurait été anéanti. J'ai vu une femme tout aussi assoiffée de pouvoir que l'homme en face d'elle, tout aussi arbitraire, tout aussi autoritaire. Sa méconnaissance très assurée des dossiers était par ailleurs pathétique.

Quant à un sujet qui te préoccupe et qui est sans doute en grande partie cause de ton choix : le statut des immigrés, dans le débat, les deux candidats avaient la même position c'est-à-dire le cas par cas, l'un l'exprimant fermement, l'autre gentiment. On a déjà vu par le passé comment les socialistes qui étaient volontiers dans les collectifs de soutien aux sans-papiers en ont disparu lors de leur victoire aux législatives et de la nomination de Jospin au poste de Premier Ministre (ils furent ce soir-là chassés violemment par la police rue de Solférino), comment Chevénement a mené une politique très dure sur l'immigration dans la lignée de celle de Pasqua. La différence c'est que Jospin avait dit (à cette époque où dans les ministères, on ne disait pas "racailles" mais "sauvageons") que les Sans Papiers ne seraient pas arrêtés chez eux, mais à l'extérieur. Et c'est ce que signifie Sarkozy lorsqu'il demande à Ségolène Royal : "Mais qu'est-ce que ça fait de les arrêter 100 mètres plus loin ?". Effectivement, les Sarkozystes ont des symboles forts, les Royalistes les même mais enveloppés.

Si effectivement au moins sur ce dossier, les socialistes avaient un point de vue clair et osaient dire la vérité (l'immigration n'est en rien responsables des problèmes économiques de France), alors effectivement le choix serait discutable, ainsi en l'état, il me semble que c'est être aveugle que d'être tellement omnubilé par la personne de Sarkozy à tel point qu'on en oublie la réalité de sa concurrente. Et ce n'est nullement sous-estimer le danger réel que représente l'électionde Sarkozy et plus encore ce qui la motive.

Et puis quel intérêt de défendre la partie du medef acquise aux Socialistes (Rotschild) lorsqu'elle pratique la même injustice, la même violence dans les entreprises que celle acquise a l'UMP. D'ailleurs, les grands patrons comme Lagardère ou Bouygues ont aussi des amitiés au PS (rappelons que c'est sous le gouvernement Jospin -un gouvernement dont était membre Ségolène Royal - qu'ont eu lieu les petits arrangements pour faire finir à la hâte par des travailleurs clandestins le glorieux Stade de France, à temps pour la Coupe du Monde). Le vote en faveur de Ségolène Royal est un vote très bourgeois allant dans le sens de conforter la société bourgeoise et lui donner une légitimité (puisqu'elle sera simplifiée à deux faces - bipartisme) dont il sera bien plus compliqué de se départir. Aux USA, beaucoup de gens souhaitent sortir du bi-partisme verrouillé (Ralph Nader est une personnalité d'un autre calibre que Dominique Voynet) et sont abasourdis que l'on s'y laisse si facilement conduire.

Il est insensé que les électeurs des partis de Gauche puissent aller voter pour une candidate qui est tellement dans les faits (et les textes) au centre droit (giscardienne), d'autant plus insensé que le PS a tout fait pour les liquider.

Et comme toujours plutôt que de questionner réellement le système dans lequel nous vivons, il est toujours plus confortable de remettre à plus tard pour s'enfoncer toujours un peu plus. Le vote pour Ségolène Royal n'est pas celui du barrage (Maginot) contre Sarkozy, mais bien celui du non choix ou plutôt du choix de reconnaissance de la société capitaliste comme étant la seule possible. Mais cette fois plus encore qu'en 2002, l'alarme est vraiment tirée et les électeurs de Royal comme ceux de Sarkozy (les premiers confortant les seconds) porteront une responsabilité sur notre réalité et nos devenirs. L'idée d'un vote contre (en feignant d'ignorer qu'il est un vote pour) dont la seule vertu serait d'arrêter le temps est illusoire car le temps ne s'arrête pas et les souffrances inadimissibles non plus. Le vote par la peur (qui seul peut encore motiver un vote pour le PS) va dans le sens d'une société à l'image de celle souhaitée par Sarkozy. Ce dernier entraînera plus de peur encore et cette fois-ci on ne pourra plus faire comme si (C'est bien l'élection massive de Chirac en 2002 qui a fait le nid du Sarkozy actuel). Sarkozy en cas de victoire (probable) s'appuiera (comme il l'a déjà fait pour le premier tour) non sur les voix qui le portent mais sur l'excellente participation, comme le fera aussi (en cas de victoire moins probable) Ségolène Royal. Et c'est dans cette participation que réside notre collaboration, notre complicité et notre responsabilité.

Amitiés,

Jean

PE : Et qu'on arrête - j'ai ça à plusieurs reprises dans mes e-mails du matin - avec le coup de Le Pen appelle à l'abstention (d'ailleurs dirigée contre Sarkozy). Le Pen est aussi contre la guerre d'Irak, la constitution européenne et c'est aussi à nous de faire la différence de nos motifs.

Aucun commentaire: