Salut les ours !
Salut les chats !
Salut les bisons !
Salut les oiseaux !
Salut les tortues !
Salut les baleines !
Salut les pingouins !
Doucement les castors !
Enfants d'Espagne
31.7.11
UNE PHOTOGRAPHIE DE BENOÎT DELBECQ ET EMILIE LESBROS
On aime ces photos de Ben Webster avec John Coltrane (une image de Roy de Carava qui dit tout le meilleur du jazz*) ou de Sidney Bechet en avion avec Charlie Parker (ces deux oiseaux en avion, vous vous rendez-compte !) ou de Duke Ellington avec Bea Benjamin (un matin à Paris qui dit aussi une aube en Afrique du Sud et l'héritage direct légué à Dollar Brand) ou de Pete Seeger avec Bob Dylan (parce qu'on n'a pas Dylan avec Woody Guthrie) ou de Duke Ellington (encore) l'air posé et un peu dubitatif devant la trompette coudée d'un Dizzy Gillespie à fond dans le souffle. On les aime parce qu'elles nous disent tout de la beauté et la complexité du temps (la musique est aussi une interprétation particulière du temps, ancienne invention humaine pour se situer), de la lueur du chant d'amour qui installe tous les va-et-vient enrichis, de la foudre fondatrice, du beau risque de vivre, une forme de pâtisserie constitutive de tout ce qui est de la terre et de la semence.
Benoît Delbecq fût une des grandes nouvelles de cette émergence musicale des années 90 qui apporta tant, Emilie Lesbros est une des grandes nouvelles de ce que le musical de ce nouveau siècle peut nous apporter. Le pianiste joue la plénitude toujours curieuse, "l'amour réalisé du désir" (René Char), la chanteuse se sait déjà dans la nécessité d'un demain, un pied dans le futur, l'autre dans la réception. Tous deux nous disent l'éclair comme une carte du ciel, on ne se déplace pas n'importe comment.
À Couëron, le 25 juin dernier, ils se sont croisés lors de la deuxième édition du Jardin Singulier, le temps d'une photographie qui dit aussi le principal de la substance, celle qui nous anime et qui n'acceptera jamais de voir la musique rangée au rayon des ustensiles des destructeurs du monde.
* magnifiquement commentée par Bernard Loupias dans un article de l'ancien Jazz Magazine
Articles en rapport :
Emile Lesbros : Attraction terrestre - DFragment music (distribution : l'Autre Distribution)
Mais que faisait Stéphane Ollivier au concert d'Emilie Lesbros ?
Photo : Marcelline Delbecq (en duo ce jour là avec Benoît)
20.7.11
AVRIL 2012 : LES LOTUS MULTICOLORES DE DIDIER PETIT
Voici son communiqué :
Bonjour à Tous,
J'organise en avril prochain une tournée avec cette proposition hors normes. Nous sommes réunis en France à l'invitation du Musée du Quai Branly le 21 Avril et toute personne pouvant aider à trouver une représentation de cet ensemble à l'Ouest avant cette date pivot et à l'Est après cette date, est la bienvenue.
Xu Fengxia (guzheng - version chinoise du Koto Japonais) née à Shanghaï, grande spécialiste de cet instrument et qui a aussi travaillé longtemps avec Peter Kowald. Larry Ochs (saxophone) on ne présente plus ce membre fondateur du Rova saxophone quartet, et enfin Miya Masaoka (koto - version japonaise du guzheng) merveilleuse musicienne habitant New York et qui rôde depuis très longtemps autour de l'improvisation et la musique contemporaine. Aucune nécessité ici d'une présentation pour Sylvain Kassap à la clarinette et moi-même au violoncelle.
Bref tout ce beau monde se retrouvera à Brest en début de tournée pour progressivement aller vers l'Est (Belgique, Allemagne, Autriche).
Cet ensemble est la réunion de l'Est (Sud) et de l'Ouest (Nord), du mélange des instrumentations occidentales et orientales, de celui des traditions musicales américaines, européennes et asiatiques, ce à quoi je travaille depuis maintenant cinq ans, durant mes nombreux voyages sur ces continents.
Amitiés,
Didier Petit
Xu Fengxia
Larry Ochs
Miya Masaoka
Sylvain Kassap
Didier Petit
Contact : didier.is.petit@wanadoo.fr
Image : Didier Petit in Le Lotus Bleu d'Hergé (Casterman)
10.7.11
DURÉE D'ÉCLAIR
9.7.11
COEURS DE MISSISSIPPI
Carolyn Anderson est une artiste Navajo qui vit dans les Twin Cities (Minneapolis-St Paul). Dans de son exposition au Black Dog (1), Jim Denomie lui a réservé un espace pour lui permettre de présenter sa vision "identitaire du paysage". Au fond de la pièce, non loin d'une série de portraits de Denomie, là où les musiciens jouent. Un énorme cœur rouge, que l'on dirait sorti d'un tableau de Jérôme Bosch.
Vendredi soir, réception autour de l'exposition Denomie - Anderson. Beaucoup d'artistes indiens comme Jonathan Thunder (autour d'une autre image de cœur, celle d'un cœur déchiré) (2). Todd Harper joue en compagnie du contrebassiste Bjorn les fragments sentimentaux d'un monde qui se (dé)-(re) compose. Le cœur est bien là.
Nous sommes tout près du Mississippi (lors de ses crues, le sous sol du Black Dog doit déménager). À 20h et des poussières, Brad Bellows (trombone à pistons), Donald Washington (saxophones ténor et soprano), Brian Roessler (contrebasse) et Pete Hennig (batterie) prennent l'espace. Le concert commence comme une plainte lumineuse, une plainte bourrée d'intelligence, qui connaît sa propre histoire. Washington (déjà entendu au même endroit avec le Full Moon Rabbit Orchestra de Todd Harper (3)) projette toute cette histoire dans l'atmosphère avec un son prodigieux, un son de blues écorché et de sourire. Brad Bellows joue avec la tendresse précise de l'ours, animal au grand cœur (le trombone à piston est un instrument de tendresse - est-ce pour cela qu'il a tendance à disparaître ?). Roessler et Hennig agitent les ferments de l'indispensable, l'invitation à la danse est inévitable. De longues explorations en duo révèlent au mieux cette fraternelle paire, solide et délicate, sorte de Milt Hinton - Jo Jones des temps présents. Les quatre hommes vivent en allers et retours panoramiques et micro observants sur le fleuve. Les alluvions de tous les restes des musiques du Mississippi forment l'indispensable pulsion du monde dont nous sommes les acteurs et les témoins.
"Aucun oiseau
n’a le coeur de chanter
dans un buisson
de questions"
(René Char)
Depuis (Char avait alors 20 ans) le temps a du s'inverser car c'est dans une forêt de questions qu'il nous faut chanter. Nous n'avons d'autre choix que celui de l'avoir.
Chaque année, des milliers de cygnes qui émigrent du nord au sud, s'installent par nécessaire repos en un endroit (près de Winona au sud de Minneapolis) où le Mississippi s'élargit soudain de façon spectaculaire. Ils restent là environ deux semaines, en paix... Chaque mois, sur les tables du Black Dog, a lieu une exposition parallèle faites de petites photographies de Mike Hazard (Media Mike) disposées de telles façons que tous les fragments forment une aléatoire image du monde faite de mille interrogations, de mille évidences, jamais loin de la méthode musicale de Todd Harper. Nous vivons de nos propres restes comme des oiseaux migrants en recherche de l'endroit unique.
22h30, Brad Bellows, Donald Washington, Brian Bellows, Brian Roessler, Pete Hennig terminent leur set. La grosse caisse du batteur marque la pulsion du cœur, plus qu'une porte, en toute innocence, en toute évidence.
(1)Voir Glob du 3 juillet 2011
(2) Voir les Allumés du Jazz n° 23 encore disponible
(3) Voir Glob du 12 juin 2010
Photos : B. Zon (Donald Washington, Brad Bellows, Brian Roessler, Pete Hennig, Jonathan Thunder, Carolyn Anderson, Todd Harper, Bjorn)
Peintures : Jim Denomie, Carolyn Anderson
Avant plan cygnes : photo Mike Hazard
3.7.11
LES DERNIÈRES PISTES DE JIM DENOMIE
La peinture de Jim Denomie est celle d'une salle pleine de miroirs, où l'infinie est à côté, où le présent refuse de s'ignorer, où l'on regarde l'autre qui n'est autre que soi. Les casser revient à les multiplier. Il décrit sa méthode de peinture comme celle d'un jeu d'échecs, mais une partie qui ne finit que "lorsque l'artiste meurt". Les révoltes indiennes du Minnesota de 1862 qui connurent une fin tragique (l'"humaniste" président Lincoln fit pendre 38 Dakotas le 26 décembre de la même année, joyeux Noël, les autres survivants furent déportés) côtoient dans les images de Denomie la vie moderne avec souvent beaucoup d'humour (Attack on Fort Snelling Bar and Grill réalisé en suite à la marche de 2006 parce que le souvenir est une plaie ouverte sur l'avenir).Depuis 2005, à chaque jour, un portrait et c'est une partie de ces portraits qui est exposée au Black Dog, une partie qui saisit, qui chante l'irréparable avec un sourire pincé, qui dit aussi que nous sommes à nous-mêmes, que nous sommes nos nous-autres, qu'il ne dépend que de nous.
Dans le film Meeks Cutoff (traduit un peu platement par La dernière piste), la cinéaste Kelly Reichardt montre de loin (mais c'est très près) des sortes de figurines perdues dans l'ouest américain à la recherche déboussolée de l'illusion qu'elles vont elles-mêmes bâtir. Survient l'indien, (Rod Rondeaux, interprétation - on devrait dire traduction - essentielle), si près, seul, centre incompréhensible de ce monde au futur factice échoué d'avance, le nécessaire est d'yeux et de gestes que les colons ne savent pas voir. La violence, l'exploitation, la condescendance, la charité intéressée sont les seules réponses de ces âmes en peine qui ne peuvent se regarder avant que l'indien ne disparaisse, se fondant dans le paysage, cet autre lui.
Black Dog
Meeks Cutoff : le site
1.7.11
"DON'T LOCK US OUT"
Pour faire simple : le gouverneur Mark Dayon (DFL) a déjà procédé à d'importante coupes budgétaires (trop) pour la fonction publique, celles-ci paraissent encore insuffisantes à la nouvelle majorité sénatoriale (républicaine).
Les services sociaux sont tous sérieusement affectés par cette situation et pourrait en résulter bien des mises au chômage de fonctionnaires et des conséquences désastreuses pour l'aide sociale, médicale, au logement, pour ne citer que ces premiers cas d'urgence. Il en est bien d'autres.
Plusieurs rassemblements ont eu lieu hier en divers points, pas à la hauteur de Tahrir Square bien sûr, pas même de ce qui s'est passé (et se passe) au Wisconsin, mais une même inquiétude, un même mouvement esquissé, un confus désir partagé.
La nuit dernière, sur les marches du Capitol de St Paul au terme d'une journée écrasante de chaleur (42°), on pouvait voir des signes divers : "protéger les pauvres" ou "sauvez la classe moyenne" ou encore en marge ceux plus nets de socialistes révolutionnaires (une tradition ici entretenue) et des libertaires jamais en surnombre, mais omniprésents dans la vie des cités (dont les slogans sont repris d'ailleurs par des gens qui se défendraient de toute sympathie anarchiste). Un point commun à ces intérêts divisés : le riche montré du doigt ("Tax the rich"), stigmatisé par toutes les pancartes. Une petite augmentation de ses impôts résoudrait le problème (un déficit annoncé de 5 milliards de dollars), son mode de vie n'en changerait pas pour autant, il ne sentirait rien, mais voilà, le riche n'a qu'un crédo : "être plus riche encore", pas même par nécessité égoïste, par seul principe d'arrogance, par suffisance criminelle.
Un viel homme plein d'énergie a chanté à 22h30 en haut des marches alors que la foule continuait de grossir "Don't lock me out" (ne m'enfermez pas dehors).
Ce qui nous reste est à nous, le reste également, ce qu'il nous reste à faire aussi !