Carolyn Anderson est une artiste Navajo qui vit dans les Twin Cities (Minneapolis-St Paul). Dans de son exposition au Black Dog (1), Jim Denomie lui a réservé un espace pour lui permettre de présenter sa vision "identitaire du paysage". Au fond de la pièce, non loin d'une série de portraits de Denomie, là où les musiciens jouent. Un énorme cœur rouge, que l'on dirait sorti d'un tableau de Jérôme Bosch.

Vendredi soir, réception autour de l'exposition Denomie - Anderson. Beaucoup d'artistes indiens comme Jonathan Thunder (autour d'une autre image de cœur, celle d'un cœur déchiré) (2). Todd Harper joue en compagnie du contrebassiste Bjorn les fragments sentimentaux d'un monde qui se (dé)-(re) compose. Le cœur est bien là.
Nous sommes tout près du Mississippi (lors de ses crues, le sous sol du Black Dog doit déménager). À 20h et des poussières, Brad Bellows (trombone à pistons), Donald Washington (saxophones ténor et soprano), Brian Roessler (contrebasse) et Pete Hennig (batterie) prennent l'espace. Le concert commence comme une plainte lumineuse, une plainte bourrée d'intelligence, qui connaît sa propre histoire. Washington (déjà entendu au même endroit avec le Full Moon Rabbit Orchestra de Todd Harper (3)) projette toute cette histoire dans l'atmosphère avec un son prodigieux, un son de blues écorché et de sourire. Brad Bellows joue avec la tendresse précise de l'ours, animal au grand cœur (le trombone à piston est un instrument de tendresse - est-ce pour cela qu'il a tendance à disparaître ?). Roessler et Hennig agitent les ferments de l'indispensable, l'invitation à la danse est inévitable. De longues explorations en duo révèlent au mieux cette fraternelle paire, solide et délicate, sorte de Milt Hinton - Jo Jones des temps présents. Les quatre hommes vivent en allers et retours panoramiques et micro observants sur le fleuve. Les alluvions de tous les restes des musiques du Mississippi forment l'indispensable pulsion du monde dont nous sommes les acteurs et les témoins.
"Aucun oiseau
n’a le coeur de chanter
dans un buisson
de questions"
(René Char)
Depuis (Char avait alors 20 ans) le temps a du s'inverser car c'est dans une forêt de questions qu'il nous faut chanter. Nous n'avons d'autre choix que celui de l'avoir.
22h30, Brad Bellows, Donald Washington, Brian Bellows, Brian Roessler, Pete Hennig terminent leur set. La grosse caisse du batteur marque la pulsion du cœur, plus qu'une porte, en toute innocence, en toute évidence.

(1)Voir Glob du 3 juillet 2011
(2) Voir les Allumés du Jazz n° 23 encore disponible
(3) Voir Glob du 12 juin 2010
Photos : B. Zon (Donald Washington, Brad Bellows, Brian Roessler, Pete Hennig, Jonathan Thunder, Carolyn Anderson, Todd Harper, Bjorn)
Peintures : Jim Denomie, Carolyn Anderson
Avant plan cygnes : photo Mike Hazard
2 commentaires:
Pourquoi ecrivez-vous en francais? Comme le pere du Media Mike je suis toujours interessant en les affaires de "Le Chien Noir", mais pourquoi faut-il je dois penser dans une langue etranger? Patrick D. Hazard, Weimar,Germany. www.MyGlobalEye.blogspot.com.
Mais cher Patrick, il s'agit d'un blog de langue française (ou presque), voilà tout.
Guten Tag
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