Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

27.11.12

À NOTRE-DAME-DES-LANDES :
BATAILLE POUR LA VIE

La fameuse phrase d'Emma Goldman ( "Si je ne peux pas danser, je ne veux pas prendre part à votre révolution ") prend, ce samedi 24 novembre, toute sa saveur lorsqu'un fort groupe d'opposants à la construction de l'inutile et nuisible aéroport sur la commune de Notre-Dame-des-Landes et environs, improvise ce que l'un me dit être une ridée et l'autre une gavotte. En attendant d'approfondir ma connaissance des danses bretonnes (nous sommes en Bretagne malgré le décret du 30 juin 1941), ce qui emporte, c'est cet incroyable engouement, cette montée d'éveil communicatif qui arrache et constitue la faramineuse antidote au bleu vide, déprimant, hagard et brutal : "Et dans trois ans, les oiseaux n'décolleront pas ...". Les gendarmes n'y comprennent rien, les voilà bien perturbés, eux dont les pitoyables instruments sont matraques, flashball, lacrymogènes, carapaces et grenades assourdissantes utilisées à foison. Avant cette danse, une femme a chanté "Gloire au 17ème", chanson relatant la mutinerie d'un régiment ayant refusé en 1907 de réprimer la révolte des vignerons du Languedoc. Invitation claire ! Et puis avant encore et après, la batucada, à peine impressionnée par les tirs fréquents de grenades lacrymogènes ou assourdissantes par les gendarmes, marche dans la forêt tambours et percussions frappés d'amour énergique.  Le tempo est splendide, la poésie peut tout exprimer. En ce lieu dangereux, ce lieu d'espérance aussi, ces moments de musiques trouvent instantanément et en toute simplicité cette vérité tant recherchée en des temps où la musique ne sait plus toujours sa place.

À Notre-Dame-des-Landes, la musique est à sa place comme sont à leur place tous ceux qui défendent la terre par leurs gestes qui construisent, plantent, rapprochent, comprennent, rient, échangent, résistent. Comme le week-end précédent, on y ressent cette gentillesse rare et cette facilité humaine. Mais cette fois-ci, c'est à l'épreuve d'une démonstration de destruction sous couvert d'autorité publique, une opération de casse et de répression. La violence est là par les gendarmes et ces "casseurs", ces "étrangers"(1), dont les discours de la porte parole du gouvernement, du préfet ou du ministre de l'intérieur (2) nous rebattent les oreilles sont bien leurs hommes en uniformes, personne d'autre et la "dérive criminelle" avec laquelle ils espèrent influencer le badaud n'appartient qu'à eux.
 
Gens de Notre-Dame-des-Landes, habitants, nouveaux habitants, voisins ou visiteurs partagent tous quelque chose qui dépasse de très loin les visions (3) étriquées de ministres ou de promoteurs absents de la vie. Toute la journée de samedi a été, face à la violence policière, illuminée par cette puissante solidarité de personnes venues de partout pour soutenir cette résistance qui a, plus que valeur de symbole, valeur de fondation. Il faut voir comment s'opère cette aide permanente, ces infirmeries improvisées, ces cantines généreuses, alors que dans les bois les détonations couvrent les bruits de machines détruisant quelques cabanes et coupant des arbres. L'argent du contribuable a de drôles de services. Vinci, parti socialiste, gouvernement : casseurs de rêves, casseurs de vie.

Le dimanche midi, tous sont invités à un pique nique, défiant la zone militarisée, et les intimidations policières (relevés d'identité, routes barrées, présence des gendarmes dans les chemins) n'y changent rien. C'est une multitude qui se donne rendez-vous, ceux de la veille, ceux de la manif à Nantes et bien d'autres. Une fois encore, l'étonnante créativité, marque de Notre-Dame-des-Landes, est à l'oeuvre.

Plus que suspecte tout de même cette insistance du gouvernement à aller vite sur ce dossier quand tous les recours ne sont pas épuisés, lorsqu'une manifestation d'ampleur exemplaire a parlé le 17 novembre (4), lorsque le projet est dénoncé de plus en plus pour sa folie destructrice, son coût, sa nocivité, sa casse, par des spécialistes de toutes sortes, lorsque la carotte de l'emploi si souvent agitée n'aboutit de toutes façons qu'à la satisfaction de quelques bétonneurs, lorsque nous sommes à l'orée de l'hiver, lorsque tant d'autres dossiers autrement plus urgents pour la société font plus que traîner en longueur.

À l'issue de la journée de samedi marquée par la résistance in situ, par la manifestation de Nantes, mais aussi par de nombreuses mobilisations partout en France, le premier ministre sortira brièvement de sa surdité, annonçant un ajournement des travaux de six mois avec un message d'une clarté dont seuls les politiques ont le secret : finalement on va tout de même négocier, mais sans rien changer. Cette"petite brèche dans la cuirasse", pour reprendre l'expression d'un habitant de Notre-Dame-des-Landes, on la doit à cette lutte exemplaire, une lutte qui ne saura évidemment se satisfaire de paroles en poudre.










Collectage des grenades tirées 
dans la nuit du samedi au dimanche 


(1) SOYONS TOUS LES ÉTRANGERS DE NOTRE DAME DES LANDES  
(2) LE KYSTE CONTRE MANUEL VALLS 
(3) LES NOUS DU PREMIER MINISTRE CONTRE LES NOUS-AUTRES DES PREMIERS VIVANTS 
(4) LES AILES DE NOTRE-DAME-DES-LANDES


Photos : B. Zon

2 commentaires:

Polix a dit…

http://www.rue89.com/2012/11/27/meme-les-crs-en-ont-marre-de-notre-dame-des-landes-237383

Céline a dit…

Quelqu'un a-t-il remarqué que Manuel Valls dit Arrêt aux porcs au lieu d'Aéroport et autonomistes au lieu d'autonomes
http://www.telenantes.com/Toute-l-actu/Infos-debats-territoires/NDDL-Valls-pointe-les-anarcho-autonomistes-0740?res=ok