ENVOL ET CRÉATION
À NOTRE-DAME-DES-LANDES
Stéphane Cattaneo : peintre-illustrateur
Timothée Le
Net : musicien
Jean
Rochard : artisan producteur de musique
Si la phrase de
Jean-Marc Ayrault, premier ministre nommé par le Président de la République
François Hollande : «Nous
avons choisi notre destin. Nous ne nous laisserons donc pas dicter une vision
du monde qui n'est pas la nôtre (1) » en a ému plus d’un,
l’on peut rester surpris qu’elle n’ait pas davantage constitué une véritable
alerte. Le 24 novembre 2012 dans la forêt de Rohanne, sur la Zad de
Notre-Dame-des-Landes, face aux forces de gendarmerie déployant un arsenal
répressif invraisemblable afin de démolir quelques cabanes et déloger de jeunes
gens dans les arbres, un groupe de danseurs défiait splendidement les logiques
tortueuses d’une vision sinistre imposée par les politiques.
Nous ne
reviendrons pas ici sur l’inutilité flagrante, l’inhumanité hystérique du
projet de construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes maintes fois
démontrées, mais sur la chaleur offerte alors par ces danseurs, naturellement
au plus fort d’une expression culturelle dotée de tout son sens, de toute sa
sève. C’était là une des nombreuses manifestations de créativité intense, de
pratique de l’improvisation régénérée, d’idée de la participation, de silhouettes
diverses de résistance, du plaisir d’être ensemble, de faire ensemble, vivre
ensemble, de recyclage, d’invention, offerte par les multiples formes
d’opposition à cet aéroport.
Que craignent
aujourd’hui les gens de culture, les artistes, ceux que l’on nomme
intellectuels, en regardant ailleurs alors que s’affirment autant de signes
émancipés, si difficiles d’habitude à faire passer dans les couloirs trop balisés
de la création ?
Lorsque, entre mille exemples, Gustave
Courbet rejoint la Commune de Paris, que Leoš Janáček écrit sa « Sonate
1.X.1905 » inspirée par la mort de l'ouvrier Frantisek Pavlik, que John
Coltrane joue « Alabama » suite à un attentat raciste à Birmingham ou
qu’un groupe de musiciens de Jazz au début des années 1970 crie
« Attention l’armée », nous nous trouvons bien loin de simples
commandes qui justifient intellectuellement le fait honteux d’être séparé du monde,
loin des idées récupératrices permettant au mieux de faire les malins avec des
icônes réduites à l’état d’ornement.
La culture ne s’administre pas comme on
administre un rond-point : elle est le fait vivant des esprits et des
corps, on peut l’aider ou la combattre. C’est hélas et sans autre surprise l’option
choisie -la violence répressive- par un gouvernement sans imagination. Il ne
veut rien savoir de la vie, méprise les pauvres, les jeunes, les sages, fier d’emprisonner
un jardinier ou un tailleur de pierre ; un gouvernement qui s’entête à
protéger les portefeuilles de ceux-là mêmes qui seront responsables de la mort
de nos enfants.
Les artistes ne sont pas les héritiers
automatiques des Courbet, Janáček, Coltrane ou d’un groupe de jazz criant
« Attention l’armée » ni de tous ceux qui ont tant lutté pour faire
sortir la création des cadres imposés. Ils ont en quelque sorte l’impératif de quitter
les salons, d’abandonner les postures labélisées, de refuser les médailles, de
bannir l’idée galopante d’une industrie culturelle et batailler contre la
violence policière industrialisée, de comprendre que la culture est agriculture,
et donc celui de soutenir les créateurs de Notre-Dame-des-Landes, populations
indivisibles, sources d’une inspiration et d’une aspiration inespérées.
Cette ridée (2)
dansée dans les bois de Notre-Dame-des-Landes et finalement réprimée, a valeur
puissante : c’est la Liberté
guidant le peuple, qui n’a
rien à faire dans les musées et ne saurait se laisser dicter une autre vision
du monde que celle qu’elle incarne.
(1) interview à Paris Match le 22 novembre 2012
(2) danse traditionnelle de Bretagne
Le 24 décembre 2012
Illustration : Élégie à Notre-Dame-des-Landes par Cattaneo
2 commentaires:
Merci Jean, d'être là, avec ceux là qui nous sont une fierté. J'aime les résistants de Notre Dame des Landes et je le dis, moi qui ne suis ni notable, ni célèbre, mais simple citoyenne de ce pays. J'aime leur courage qui ne vient pas de nulle part, mais de convictions profondes et d'un véritable amour de la terre, de la vie, du jeu. Les aimer est mon droit et déjà mon combat.
En face, la bêtise crasse d'une occupation militaire, la destruction, la violence.
Le pouvoir rend sourd le pouvoir rend aveugle n'est-ce pas ?
Et la danse Jean, la danse, c'est la merveille de l'espace apprivoisé, amoureux, sensuel, magnifique.
Bien à toi, bien à eux,
emmanuelle k.
La signification des disciplines artistiques est en effet devenu un sacré casse-tête. mais comment s'y prendre ?
Alain
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