À l’issue du comité interministériel le 20 novembre 2022, la première ministre déclarait que la lutte contre les violences faites aux enfants serait une priorité.
Des enfants subissent quotidiennement brimades et violences et en quelques occasions sont tués. C’est arrivé récemment.
Frappés collectivement (un est tous et tous est un), ils ont tiré le signal d’alarme. Comme ils ont pu, n’importe comment jusqu’à l’absurde, de rage, avec les moyens du bord ébréché. Ils ont tiré le signal d’alarme pour d’autres enfants qui bientôt crèveront de chaleur, de faim ou de désespoir.
Qui a miné le présent jusqu’à ne plus pouvoir marcher sans qu’il n’explose ?
Les fanatiques de l’ordre, pardon de l’ordre républicain (il faut toujours ajouter « républicain » derrière les mots, ça fait tout passer), après une petite trouille passagère (des enfants en colère face à l’état), s’en sont donnés à corps perdus (cœur joie ne figurent plus au répertoire économico-sécuritaire), faisant glisser leurs doigts fébriles sur les écrans de tous les catalogues des bienpensances, des répressions, des économies punitives, des racismes libérés. Les idées fusent (vous reconnaitrez probablement les auteurs et autrices mêmes si les pensées semblent trop souvent interchangeables) :
- Les promoteurs du tout numérique reprochent soudain aux réseaux sociaux de « jouer un rôle considérable (...) par l’organisation de rassemblements violents (...) et une forme de mimétisme de la violence », envisagent « la suspension de fonctionnalités » avant de jurer par Jupiter qu’il n’en est pas question tout en annonçant qu’un groupe de travail.« transpartisan » (ça rassure) allait se pencher sur le sujet
- « On a le sentiment que certains vivent dans la rue les jeux vidéo qui les ont intoxiqués »
- « Tsunami de soutien aux forces de l’ordre »
- « Disposer de la reconnaissance faciale et de l’intelligence artificielle (...) faire usage de drônes »
- « C’est deux claques et au lit ! » (deux claques républicaines ?)
- « Je vais vous surprendre, peut-être vous choquer : je pense qu'on n'utilise pas suffisamment les courtes peines de prison pour des mineurs »
- « Je suis déterminée à ce qu’il n’y ait aucune impunité pour les auteurs de ces violences »
- « Il faut pourrir leurs vacances »
- « On connaît les causes. Bien sûr que si, il y a un lien avec l'immigration (...) pour la deuxième, la troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques »
- « Que les parents qui ne remplissent pas leurs obligations sachent que la solidarité nationale va s’arrêter si leurs enfants commettent des délits aussi graves que ceux qui ont été commis »
- « Responsabiliser les familles de ceux qui mettent le souk »
- « Lorsque votre enfant vole, abîme ou détruit quelque chose (…), c’est vous, parents, qui serez condamnés à payer les réparations » (là on se pince lorsqu’on sait que le fils de l’auteur de ce document officiel est mis en examen pour violences conjugales.)
- « Il faut baisser la majorité pénale à 16 ans, responsabiliser les familles sur les allocations familiales et le logement social. »
etc. etc.
(Tiens on aimerait bien réunir les parents de ces professionnels de la politique pour comprendre ce qui ne va pas chez leurs progénitures, leur demander des comptes pour ce qu’ils nous infligent).
« L’inexcusable » devient vite excusé et voilà le frais souvenir de l’enfant assassiné coulé dans le béton de l’oubli, d’empoisonneuses cagnottes, avant le retour à la normale de tous les symboles « républicains » et l’on reparlera enfin du climat, en parler seulement bien sûr. Le vert est dans le mot, c’est tellement chic. Les souffrances climatiques, ce sera pour les enfants, dans longtemps (croit-on).
Comme les enfants noyés en Méditerranée, l’enfant assassiné subit sa deuxième mort. Tant de sacrifices pour nous éveiller enfin... et nous dormons encore.
Où sommes-nous, prétendus professionnels du changement avec garantie et service après vente ? Faisons-nous seulement mine de comprendre, malmenés aux entournures, et nous contentons-nous de nous poser en sachants critiques car « ce n’est pas comme ça qu’il faut faire la révolution », « ça n’avance à rien » et lors de l’immanquable question « vous condamnez ? », gênés, irions jusqu’à hocher la tête. Allez, un de ces jours on votera. Ça ira bien, on a cette liberté-là, ce précipice choisi. Spécialistes des jours meilleurs qui ne viennent jamais, nous n’allons pas faire confiance à des gamins tout de même. Quand tant de menteurs assassins des futurs, détrousseurs de millions en cols blancs, obtiennent, au pire, garantie de tranquillité, nous contenterons-nous de voir partir en prison des enfants dont le crime est la colère, dont le crime est la misère, et sans trop rien dire, les voir subir de lourdes peines pour nous avoir alertés d’un cri déchirant, avoir dessiné une boussole dans un feu d’artifice et une loupe dans des pillages d’objets confectionnés par d’autres enfants de misère, au bout du monde. Au bout du même monde.
La violence faite aux enfants est effectivement devenue une priorité.
2 commentaires:
Magnifique et salutaire.
Merci, Jean !
Word. Merci Jean !
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