Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

26.10.07

DRÔLES DE ZÈBRES


par Sylvain Torikian
Rentré trop vite je n'ai pu dire tout le plaisir que j'ai pris au concert de Fat Kid Wednesdays hier soir.

Je n'insiste pas sur les magnifiques qualités instrumentales des laboureurs de l’Étoile du Nord.


Attardons nous plutôt sur le choix politique rare qui rappelle au grand jour l'extraordinaire période d'émancipation du free-jazz originel, avant tout sur l’approche chorégraphique digne des meilleurs chasseurs sioux.

En dehors d’ instants d’immobilité enjoués pendant lesquels ils reprenaient leur souffle et que la public applaudissait, ce fut tout au long du concert une continuelle stratégie d'encerclement sensuelle/énergique, soutenue par l'ininterrompue pulsation.

Ce fut la recherche du secret de l'exacte sonorité qu'ils ont daigné dévoiler.

Michael Lewis enveloppe le bison d’une tension contrôlée, JT Bates se penche pour écouter ce que les profondeurs de la terre lui intiment, Adam Linz scande sa ronde magique autour de la grande ourse.

Merci


18/10/2007

Sur le même concert lire aussi
photo :Mirtha Pozzi

22.10.07

SIMPLE ENDROIT



"Se retrouver dans un état d'extrême secousse, éclaircie d'irréalité, avec dans un coin de soi-même des morceaux du monde réel"

Antonin Artaud in "Le Pèse Nerf"

21.10.07

UN BON PASSAGE ZEBRÉ



Les impressions de l'ami Jean-Jacques Birgé sur le concert de Fat Kid Wednesdays au Zèbre (organisé par le futuriste trio Asperanto) mercredi 17 octobre nous touchent par la justesse de l'appréciation musicale, mais aussi par ce qu'elles racontent de la relation de la musique à ce qui l'entoure, à ce dont elle fait partie, parfois à son corps défendant. Nous avons faim de musique qui empêche de capituler.

Fat Kid Wednesdays est en tournée jusqu'au 2 novembre

Un moment volé par un spectateur enthousiaste : http://www.youtube.com/watch?v=l2Bfj_PczLg

17.10.07

ASSEZ





De leurs Grenelles
De leur environnement
De leur compassion
De leur indifférence
De leurs manipulations
De leur Attali
De leurs saloperies
De leur cambouis qu’ils ne touchent jamais
De leurs sondages
De leur nivellement
De leur morale
De leurs dieux
De leur Monopoly
De leur fric
De leurs mariages
De leurs divorces
De leurs interprètes
De leurs sourires
De leurs poignées de mains
De leurs élections
De leurs électeurs
De leurs résultats sportifs
Des jours sans fin qu’ils nous imposent
De leurs résidences d’été
De leurs sports divers
De leur ascendance
De leur descendance
De leur golf
De leurs clapets
De leurs chasses
De leurs cours
De leur capital
De notre douleur
De leurs bombes
De leurs bons du trésor
De leur ouverture
De leurs vergetures
De leur ordre
De leurs gardiens
De leur paix
De leurs guerres
De leurs ciseaux
De leurs mines
Et de toutes les maladies qu’ils nous laissent attraper
Pour nous réduire à rien.


J.R.

14.10.07

LES TEMPS CHANGENT


Bernard Laporte a perdu sa crête de coq, Cécilia Sarkozy s'est fait la malle en Suisse, un petit coup de grève jeudi prochain... Ce- n'est-qu'un début... tan-tan-tan-tan-tantan

Et deux bonnes nouvelles : le nouveau disque d'Hélène labarrière et son nouveau site helene-labarriere.com

10.10.07

NOS AMIS LES DISQUES




















Hélène Labarrière : Les temps changent

Les disques Amor Fati

Brother Ali : The undisputed truth

François Corneloup : U.l.m.

Dosh : The lost take

Mirtha Pozzi, Pablo Cueco : Improvisations préméditées

Jean-Jacques Birgé, Michel Houellebecq : Etablissement d’un ciel d’alternance

Jacky Molard : Acoustic Quartet

Jo Jones : The Drums by Jo Jones

Jacques Thollot : Cinq hops

Photo : Jacky Molard Quartet (télévision publique du Minnesota) Bryan Aaker


6.10.07

L'USINE ASSASSINE



« Le sentiment ou la conscience du droit est dans l’individu l’effet de la science théorique, mais aussi de son expérience pratique de la vie » écrivait M. Bakounine dans Lettres à un Français sur la crise actuelle.

Dans notre crise actuelle à nous (à moins que ce ne soit la même qui aurait changée de costume), le vocabulaire s'éteint au profit de sons automatiques. Lorsque le bonheur vient à manquer, fleurissent les sinistres expressions "Que du bonheur !" "Elle est pas belle la vie ?" pendant que les tenants imposent aux aboutissants laborieux d'autres mots insidieux nous privant de toute réflexion. Pas un dîner en ville où la bonne société progressiste ne critique le "libéralisme" sans pour autant jamais oser parler de "capitalisme" comme si le "libéralisme" n'était qu'une maladie curable de ce dernier dont on ne pourrait se passer. Le "développement durable" en est un autre. Un petit yoyo écolo, c'est beau. Il existe désormais une "société civile" à laquelle l'autre (mystérieuse) société fait appel de temps à autres. Les gens, eux, n'existent pas. Autre belle trouvaille l"altermondialisme" qui permet avec belle conscience de voir le Tiers Monde sans le regarder. Le "décomplexé" sur les langues de toutes les vipères des médias fait avaler toutes les couleuvres et "la rupture" garde la porte grande ouverte au pire toujours possible (avec le sourire). On saupoudre de "CAC40" ci et là et d'autres imbécilités comme "le Grenelle de l'environnement" (avant d'être l'endroit où le gouvernement gaulliste et les syndicats poignardèrent la classe ouvrière par leurs accords "minabilitaires", Grenelle était une commune qui devint partie de Paris lorsque la ville s'aggrandit), de "parler vrai" (pour être sûr de bien sculpter la langue de bois), d'"ouverture" (pour réduire le regard que l'on peut porter sur le monde à un cadre restreint n'allant pas plus loin que la pensée d'un Kouchner - par exemple) et les bonnes âmes de gauche regardent le monde dans leur planeur à la Yann Arthus Bertrand. Tant qu'on peut faire ses courses !

Un mot qui n'est plus guère prononcé, c'est USINE ("Ensemble de bâtiments ayant remplacé les manufactures depuis la fin du XVIIème siècle et destinés à la production industrielle. On y transforme généralement des matières premières ou semi-ouvrées en produits finis, ou en énergie").

"Vous aurez la voiture de la couleur que vous désirez, du moment qu'elle est noire". disait Henry Ford (industriel antisémite dont les usines ont travaillé à équiper le Troisième Reich Allemand). Depuis l'usine a réussi à en faire voir de toutes les couleurs en détruisant toujours plus corps et âmes de ceux qui y travaillent.

Jean-Pierre Levaray, ouvrier depuis 28 ans dans une usine de produits chimiques de la région de Rouen a fait le tour de tout le nuancier. Dans Putain d'Usine (livre important édité par l'exceptionnel éditeur L'Insomniaque et réédité par Agone) décrit son exploitation permanente : «Tous les jours pareils. J’arrive au boulot et ça me tombe dessus, comme une vague de désespoir, comme un suicide, comme une petite mort, comme la brûlure de la balle sur la tempe. Un travail trop connu, une salle de contrôle écrasée sous les néons – et des collègues que, certains jours, on n’a pas envie de retrouver. On fait avec, mais on ne s’habitue pas. On en arrive même à souhaiter que la boîte ferme. Oui, qu’elle délocalise, qu’elle restructure, qu’elle augmente sa productivité, qu’elle baisse ses coûts fixes. Arrêter, quoi. Qu’il n’y ait plus ce travail, qu’on soit libres. Libres, mais avec d’autres soucis. Personne ne parle de ce malaise qui touche les ouvriers qui ont dépassé la quarantaine et qui ne sont plus motivés par un travail trop longtemps subi. Qu’il a fallu garder parce qu’il y avait la crise, le chômage. Une garantie pour pouvoir continuer de consommer à défaut de vivre. On a remplacé l’équipe d’après-midi, bienheureuse de quitter l’atelier. C’est notre tour, maintenant, pour huit heures. On est installés, dans le réfectoire, autour des tasses de café. Les cuillères tournent mollement, on a tous le même état d’esprit et aussi, déjà, la fatigue devant cette nuit qui va être longue. »

À ses heures, il rêve d'une société fraternelle sans classes et sans Etat.

Avec le dessinateur Efix (qui avait contribué au Chronatoscaphe et a dessiné la couverture du numéro 20 des Allumés du Jazz), il a adapté son Putain d'Usine en bande-dessinée (éditions Petit à Petit). Efix a comme Levaray, connu l'usine, mais lui en est sorti. Le choix d'Efix comme dessinateur est une vraie trouvaille qui sort des réflexes automatiques de l'attendu "ce qui va avec quoi" (voir premier paragraphe). Son trait rond taquine le trait sombre du récit de Levaray et en confirme l'humanité.

Parce que plus fort que dans les brèves du Parisien, l'usine tue (suicides, accidents ou petit feu), parce que cette fabrique reste le plus violent révélateur des contradictions de nos vies, la bande dessinée d'Efix et Levaray et les ouvrages de ce dernier sont les indispensables boulons qui redonnent un peu de vérité à notre vocabulaire.