10 ans qu’Ursus Minor existe et 10 ans que je suis ce groupe,
de loin en près, des premières photos, au Studio Campus pour Sons d’Hiver, de Guy
Le Querrec, à ce concert, ce soir au Périscope, à Lyon. 10 ans d’une aventure
musicale et humaine, qui, dès que l’occasion s’en présente, ne me fait pas
hésiter à traverser la France pour aller en partager l’intensité.
17h, l’heure pour moi de quitter la boutique de ma sœur,
nichée en haut de la Croix-Rousse, où j’ai pu, après une arrivée bien matinale,
déposer mes bagages et savourer le plaisir des retrouvailles, entourée d’objets
insolites, du passé et d’ailleurs. L’heure du concert est encore loin mais
j’aime ces moments de préparation où tout s’installe, doucement, où les gens qui
accueillent découvrent ceux qu’ils reçoivent, où tous s’apprivoisent par-delà les
langues et les câbles.
J’arrive à Perrache, emprunte un tunnel routier sous la
gare, quelques piétons comme moi tentent de trouver leur chemin dans un curieux
dédale assez peu hospitalier. Je longe la prison Saint-Paul en cours de
démolition, des graffitis la pointent des mots, je pense à Foucault. Nouveau
tunnel et la salle enfin apparaît comme enclavée, protégée dans cet ensemble
urbain en devenir.
Des jeunes s’affairent déjà dans la salle, au bar, m’offrent
un verre et la discussion s’engage autour de ce lieu et de son histoire. Né de
l’association de deux collectifs, le Grolektif et le Collectif Polycarpe ainsi
que de l’Université Populaire de Lyon, le Périscope a vu le jour en 2007 et
s’appuie une équipe composée de permanents et de nombreux bénévoles. Ce soir,
nous aurons le plaisir de rencontrer Pierre, Naïma, Aminata, Flora, Olivier et Jacques ;
d’autres se greffent à l’équipe, comme Joe, batteur des Buttshakers et curieux
de découvrir Ursus Minor.
L’ambiance est encore très calme, seuls Patrick et Tony sont
arrivés directement sur le lieu du concert, les autres se reposent à l’hôtel
après une longue journée de voyage. Colin et Alexis règlent le son du plateau, les
musiciens et producteur arrivent les uns après les autres et la balance se fait
dans une sorte d’apesanteur jusqu’à ce que le groupe soit au complet.
L’heure a tourné, les gens commencent à faire la queue
dehors alors que nous entamons à peine le repas préparé par les bénévoles. La
pluie est battante à l’extérieur mais ne décourage pas l’audience qui tente de
se réfugier sous le mince abri de l’entrée et, pour les plus prévoyants, sous
de jolis parapluies bigarrés.
Le public est au rendez-vous, la musique le sera
aussi : Tony Hymas plante vigoureusement Prokofiev dans le décor, alors
que sourd la colère de l’hommage au Pussy Riots qui nous installe
instantanément dans la constellation. Le voyage sera beau, varié, les thèmes et
les solos s’enchaînent, se répondent, disent ce plaisir rare d’être ensemble
pour cette dernière soirée avec Patrick Dorcean. Les invitées sont plus en
forme que jamais, les voyages et les courtes nuits de ces dix derniers jours paraissent
anecdotiques à cet instant où tout se joue dans une communion parfaite avec le
public. Une fois de plus, le rap de Desdamona, percutant, me fascine, sa
poésie, sa force, sa justesse ; j’aime sa façon de transmettre ce qu’elle
porte, il n’y a pas de voile, c’est si direct entre elle et nous. Ada Dyer, quant à
elle, joue avec les vibrations d’un public captivé et sous le charme, insuffle
un vent chaud de résistance et de liberté, que relaye le quartet lorsqu’il se
lance dans la reprise de ce chant de lutte « Notre Dame des oiseaux de
fer » du Hamon Martin Quintet, découvert lors d’excursions agitées à Notre
Dame des Landes. François Corneloup nous
précise que les paroles de Sylvain Girault ne seront pas dites ; son
chorus prend alors le relais des mots, l’air vivifiant du bocage s’invite sur
la scène ; Tony y installe la tension vigilante d’une solidarité
croissante, tandis que Patrick nous rappelle l’urgence, la nécessaire préservation
d’un milieu fragile et que Grego Simmons anéantit les oiseaux de fer dans une envolée
sublime.
Le concert s’achève sur un rappel et arrive l’heure pour moi
de partager quelques instants avec le public qui vient acheter des disques,
échanger des souvenirs, rencontrer le travail qui se construit autour du
groupe. L’un me parle du concert de 2005 au Ninkasi Kao avec Jef Lee Johnson,
tandis qu’un autre me raconte que son initiation musicale s’est faite autour
d’un grand nombre de disques nato et en particulier du premier,
« Conversations » (Beb Guérin / François Méchali). Les rencontres
sont bien là et la toile se tisse.
Un bouchon de champagne saute, c’est le moment de saluer
notre ami Patrick dont la présence sur cette tournée nous a tant réjouis ;
la tristesse de le quitter nous pince mais nous savons qu’il a bel et bien
ouvert une porte.
La soirée se poursuit, Alexis met de la musique et nous
dansons, dansons comme si un philtre magique nous empêchait de quitter ce lieu…
Photo : B. Zon
1 commentaire:
Oui c'est vrai. Une super soirée. On aurait aimé que ça dure encore plus longtemps.
Merci
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