Une fois n’est pas coutume, il
ne m’a pas été nécessaire de parcourir des dizaines, centaines voire milliers
de kilomètres pour assister à un concert de jazz exceptionnel : ça s’est
passé samedi soir 02 février à La Roche Bernard (780 habitants), village du
Morbihan que j’habite et où Hélène (notre mère adoptive à tous) tient mon
bistrot préféré : « Le Rochois ». Les circonstances historiques,
les réseaux d’amitié, l’énergie des bonnes personnes au bon moment et au bon
endroit ont permis que se tienne une soirée dont on parlera encore d’une voix
vibrante dans cinquante ans.
Des Anglais (je vous demande d’applaudir
Tony Hymas, au piano) on en voit pas mal dans le coin, mais (à part à la télé)
les derniers Américains (merci d’accueillir Chris Bates à la contrebasse et son
frère JT aux fûts) à être passés dans le
secteur l’on fait en 1945, les armes à la main ; c’est dire si l’excitation
qui faisait vibrer la place du Bouffay vers 21 heures, au terme d’une semaine à
les attendre avec chaque jour plus d’impatience, grandissait, grandissait. Aussi,
histoire sans doute de nous décharger de notre énervement, le trio a choisi de
démarrer aussi sec par un medley cubique tonitruant, véritablement cathartique,
qui a permis aux musiciens de transformer le trop-plein d’énergie de tous en un
échange immédiat et provocateur entre eux et chacun de nous, et tisser par la suite
une manière d’échange profond, positif, invisible…Les premières minutes du
concert menées pied au plancher nous démontrèrent que ces gars sont des
alchimistes, et la salle du Rochois un creuset formidable pour leurs mélanges
explosifs.
Dès lors, entre vibrations d’une
extrême délicatesse et orages en suspension, ils ont entraîné le public dans l’univers
du blues, du jazz, de l’improvisation… Ils l’ont fait basculer dans le tourbillon
d’un monde nouveau et sensible, sur l’océan des merveilles duquel on voyait les
nouveaux arrivants chavirer de bonheur sur une version d’« Avec le Temps »
de Léo Ferré par exemple, ou les longs développements du blues « Les
évadés de la nuit » de Hymas. Pas facile pour tout le monde de nager dans
un univers sensoriel où l’on n'a plus pied, mais j’ai vu bien des gens qui ne l’avaient
jamais fait auparavant s’y aventurer avec délectation, enthousiasmés au-delà de
la raison par le fait de découvrir qu’ils avaient l’occasion de s’abandonner à
une forme subtile d’exaltation, qu’ils pouvait applaudir, crier, bouillonner
sur une musique à chaque instant renouvelée, protégés qu’ils étaient par notre
bulle sensorielle collective, chaleureuse, sans danger.
Des grands moments, je crois
me souvenir qu’il n’y eut que cela ; l’un fut plus étourdissant que les
autres, peut-être, lorsqu’au deuxième set le trio interpréta le titre du
quintet d’Hamon-Martin « Notre-Dame-des-Oiseaux-de-Fer » : que
des jazzmen de cette envergure, qui avaient joué la veille en Avignon et
joueraient trois jours plus tard au festival « Sons d’hiver » à Paris
se sentent, veuillent se sentir proches de nous au point de reprendre la
chanson qui nous fédère dans notre lutte contre l’aéroport de Nantes parut à
tous renversant. L’auditoire riait, trépignait, dansait même, ce qui paraît
relever de l’exploit tant la foule était dense ; en tout cas c’est ce qu’on
m’a dit, moi je n’ai rien vu de ce passage : j’y participais. Improvisant
une grande peinture tandis que les compères jouaient, j’avais choisi deux
couleurs qui paraissent plus que jamais de circonstance : du noir et du
rouge. Ce sont les deux couleurs de l’anarchie.
La générosité, le partage, la
créativité… C’est l’anarchie.
Et ça se passe à La Roche
Bernard, le village le plus cool du monde.
Stéphane Cattaneo
Peinture et affiches : Stéphane Cattaneo
Grand merci à Hélène, Timothée, Bénou et Stéphane ainsi qu'à Yann, Mael, Pierre, Laure, Dofini, Louise, Pablo, Merlin, Antoine et toute celles et ceux qui ont rendu ce moment possible.
Vidéo : Tony Hymas & The Bates Brothers feat. Cattaneo "Notre Dame des oiseaux de fer"
Grand merci à Hélène, Timothée, Bénou et Stéphane ainsi qu'à Yann, Mael, Pierre, Laure, Dofini, Louise, Pablo, Merlin, Antoine et toute celles et ceux qui ont rendu ce moment possible.
Vidéo : Tony Hymas & The Bates Brothers feat. Cattaneo "Notre Dame des oiseaux de fer"
3 commentaires:
Hier, à la Roche Bernard, des forces post-apocalyptiques tentaient de laver, à grand renfort de baquets de flotte, les stigmates de cette jouissive (si l'on s'en tient à l'avis éclairé de Stéphane Cattanéo) soirée démoniaque... Espérons qu'elles besognent en vain !
krrr.
Oui c'est bien seulement le 11 mai 1945 que La Roche Bernard et toutes les localités considérées comme faisant partie de la poche de St Nazaire. Merci Stéphane pour le rappel historique judicieux.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Poche_de_Saint-Nazaire
Difficile de se remettre de cette soirée époustouflante dans une cité de grand caractère
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